dimanche 8 avril 2018

Fais-moi taire si tu peux ! de Sophie Jomain


Lors du dernier salon du livre à Paris, en arrivant à proximité de l'énorme espace du groupe Flammarion, j'avise une longue, très longue file qui serpente, déborde dans les stands des concurrents. Mais diable quel auteur célèbre dédicace donc à proximité ? Sûrement quelqu'un qui a fauteuil réservé chez Busnel et chez Ruquier... Curieux je remonte cette colonne dense et pépiante composée en grande majorité de jeunes femmes... Peut être qu'un chanteur à succès venant d'écrire une autobiographie ? Cent cinquante mètres plus loin, j'arrive enfin devant le comptoir des dédicaces et j'aperçois deux stagiaires au bord de la syncope et  essayant de jouer les attachées de presse bienveillantes mais guettant du coin de l'œil l'arrivée d'au moins Mylène Farmer... J'avise la pancarte suspendue au-dessus d'elles et je lis : Sophie Jomain, dédicace à 12h30 ! Je l'avoue ... je n'avais jamais entendu parler de cet auteur dont pourtant des piles monumentales attendaient sagement d'être arrachées par la file qui bientôt allait prendre des dimensions invraisemblables. Je passais, mon chemin, mon but étant le stand POL ...mais je notais le nom de cette star de la littérature et me promis d'aller voir un peu plus tard de quoi il retournait. 
Et je l'ai fait. Sophie Jomain vit de sa plume ( pas si nombreux que ça les auteurs qui n'ont pas un autre boulot !), publie deux livres par an depuis maintenant une huitaine d'années, des séries fantastiques ou de chick lit. Pas étonnant donc que ce mini phénomène d'éditions m'est échappé, je ne fais pas partie de la cible visée. ( je m'en doutais car j'aurai dépareillé au milieu de la file du salon du livre !). Mais voici qu'est sorti il y a peine un mois un nouveau titre de l'auteure chez &H... ( habituellement, elle publie chez Pygmalion). &H ? Késako ? C'est la version grand format de chez Harlequin ! La collection classieuse de l'éditeur que les lectrices visées paieront un peu plus cher ...
C'est donc avec une curiosité un peu mitigée, faut bien l'avouer, que je me suis plongé dans " Fais-moi taire si tu peux !" , la romance du printemps selon l'éditeur mais aussi coup de cœur de certains libraires  (en regardant de plus près il s'agit d'Audrey de l'espace culturel Leclerc de Tonneins  et d'une consœur du Cultura de Marsac).
Que dire du roman ? Tout d'abord, il est certain qu'il entre dans le moule de l'éditeur, à savoir que la jeune femme du départ, forcément célibataire, va rencontrer dès les premières pages un homme, beau, grand, suintant de virilité qu'elle va détester tout de suite pour mieux se jeter dans ses bras à la fin. L'histoire se bornera à installer des péripéties qui l'amèneront progressivement à changer d'avis... Pas de surprise donc, la jeune  Louise, employée chez une fleuriste va détester Loïc, dont le métier est saboteur de mariages. ( on notera que les professions sortent un peu de l'ordinaire). L'histoire, cousue de fil blanc, à la psychologie sommaire et improbable ne brille pas par son analyse des comportements. Comme toujours dans le cadre de cette littérature, l'auteur s'attarde assez lourdement sur la description des intérieurs mais surtout sur les tenues de l'héroïne dont le dressing est bien garni ( il faut bien l'ancrer dans une réalité ...mais qui fasse un peu rêver la lectrice). En situant son récit dans l'univers des mariages ( plutôt somptueux) , le rêve est doublé ( ce qui justifie sans doute la parution dans une collection prestige, faut que la lectrice en ait pour son argent ). Sur plus de 330 pages, nous suivront les démêlés de cette brave Louise que nous verront enfin succomber aux charmes testostéronés du bellâtre qui cache un cœur sensible sous sa  cuirasse de muscles.
Je l'avoue, je n'ai pas été vraiment passionné par ma lecture, sans grande originalité, mais cependant il me faut noter deux ou trois choses qui me font comprendre pourquoi Sophie Jomain draine un public nombreux et fidèle. J'ai pu apprécier la mise en place très rapide du récit qui, même si répondant à des stéréotypes, plonge le lecteur immédiatement dans l'action. L'improbabilité de la situation de départ amène malgré tout  quelques chapitres plutôt drôles, troussés sans façon et donc pas déplaisants. Mais il y a une chose qui m'apparaît essentielle sous le stylo de Sophie Jomain ( on ne peut pas réellement parler de plume), c'est l'absence totale de prétention qui se dégage de tout cela. Et je comprends donc pourquoi les lecteurs( trices) s'attache à cet auteur. Alors que beaucoup dans ce genre de chick lit pour jeune trentenaire vont en faire des caisses, vont vouloir se faire plus fines, plus " grande auteure", plus " voyez comme j'ai de l'humour, moi !", Sophie Jomain sait rester simple et vivante, gaie et rapide, sans rouler des mécaniques. J'y ai même trouvé un petit côté caustique en croquant la bourgeoisie lilloise ( les lectrices populaires peuvent ainsi se venger gentiment) ainsi qu'une vraie ouverture d'esprit avec la banalisation de l'homosexualité dans un genre plutôt porté sur le couple hétérosexuel exacerbé.
" Fais moi taire si tu peux" , même classé dans la chick lit de luxe de chez Harlequin, n'arrive pas à la cheville d'une Bridget Jones mais reste un roman très simple, très formaté, possédant quelques petites envolées plutôt réussies ( mais avec une bonne baisse de régime sur le dernier tiers, dénouement obligatoire oblige) et qui plaira au public visé. Il n'y a pas de mal à se faire du bien et si ce roman peut y contribuer chez certain(e)s tant mieux ! 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire