jeudi 29 mars 2012

2 days in New York de Julie Delpy


Julie Delpy est une de ces actrices françaises qui ont un peu réussi aux states. Ce n'est pas une star, mais, visiblement, elle connait un peu de monde, puisqu'elle arrive à faire apparaître Vincent Gallo dans une scène de son dernier film en tant que réalisatrice et qu'elle lui casse la gueule...
L'essentiel n'est pas vraiment dans cette rencontre au sommet mais plutôt dans le choc des cultures dans lequel, Marion, photographe très arty vivant avec Mingus, humoriste radio et leurs deux enfants issus d'une précédente union, va se retrouver. Le couple roucoule dans un joli appart new yorkais et s'apprête à recevoir le père et la soeur de Marion, tout droit venus de France. 
Ce qui pouvait être un moment familial sympathique va vite virer au cauchemar. Au lieu de venir à deux, ils arrivent à trois, la soeur de Marion ayant eu la bonne idée de se faire accompagner par son fiancé du moment qui n'est autre qu'un ex de Marion. Les trois français  sont obsédés par le sexe et ont la tête bourrés de clichés : le père est un vieux gamin farceur, vaguement pétomane qui prend plaisir à rayer les limousines avec ses clefs, , la soeur est nymphomane et son fiancé un parfait abruti lourdingue qui se fera bien vite expulser.
Dire que j'ai adoré ce film serait mentir. C'est drôle par moment, léger sûrement, réussi à moitié. New York est bien filmé. Julie Delpy (la comédienne) a un abattage évident, qui fait penser par moment à Woody Allen. Elle est parfaite dans son rôle et absolument délicieuse. Le reste de la troupe ne démérite pas mais une question m'est très vite venue à l'esprit : ce film sera-t-il distribué aux Etats-Unis ?
Si c'est le cas, j'ai bien peur qu'il ne redore pas l'image de la France et de ses habitants qui sont ici montrés comme des êtres libidineux, qui fument des pétards et dont l'intérêt principal se situe uniquement au-dessous de la ceinture. Pourvu que les défenseurs de Nafissatou Diallo n'y tombent pas dessus, ils ne pourront qu'être confortés dans leur idée de français partouzards et sexuellement dérangés.

mercredi 28 mars 2012

Thermae romae de Mari Yamazaki


Vaguement amateur de manga, j'ai eu envie de lire ce phénomène d'édition annoncé avec forces bandeaux et publicités dans les magazines spécialisés. 
Premier geste que je fais quand je m'intéresse à un manga, c'est d'ouvrir l'ouvrage et d'observer le dessin. J'avoue avoir du mal à m'intéresser à des personnages dessinés avec des yeux grands comme des melons  et aux mentons pointus. 
Celui-ci, étant de facture plus classique, a eu l'honneur de passer en caisse. 
L'histoire se situe à Rome aux alentours des années 100 après J C. Nous faisons la connaissance de Lucius Modestus, architecte ringard qui vient de se faire virer de son travail car les plans qu'il présentait ont été jugés trop vieillots, pas assez modernes. Pour se remettre de ses émotions, il se rend au bain avec un ami, se fait aspirer par une canalisation et se retrouve dans d'autres thermes, japonais cette fois-ci et à notre époque ! Ebloui par le modernisme de ces hommes "à face plate", il s'intéresse à toutes leurs installations. Puis, sans raison, s'évanouit, disparaît et retrouve son époque de départ. Là, fourmillant d'idées novatrices, il crée des thermes qui feront courir les foules et deviendra l'architecte que tout Rome s'arrachera.
Le problème avec ce manga, fait de plusieurs histoires de créations de bains, c'est que c'est toujours la même trame. Dès qu'on lui passe une commande, hop il va dans un bain, se fait aspirer et atterrit dans un endroit similaire au problème architectural rencontré à Rome et en revient bourré d'idées géniales...
Au bout d'un moment, cela devient lassant voire très répétitif. L'éditeur promet également que ce choc des civilisations est proposé avec beaucoup d'humour. Perso, je l'ai cherché mais pas encore trouvé, perdu dans une quelconque baignoire peut être...
Comment expliquer ce succès de trois millions d'exemplaires (au Japon, pas encore chez nous) ? Vraisemblablement par la passion des japonais pour tout ce qui touche aux sanitaires, baignoires, WC, qui sont pour eux un véritable art de vivre ou alors par ce très léger érotisme homo, affriolant sur la couverture, mais risible dans le dessin. Lucius passe peut être son temps à être nu mais le dessinateur fait preuve d'une imagination débordante pour cacher les attributs sexuels du héros. Pour moi, ce sont les seuls moments que j'ai trouvé un peu drôles.
Après la lecture de Thermae Romae tome 1, je sais que n'achèterai pas le tome 2 mais que les fanas de plomberie et de spas se jettent sur ce manga, ils ne devraient pas être déçus.



lundi 26 mars 2012

Belle famille d'Arthur Dreyfrus

Pas de méprise, ce roman ne traite pas des rapports tendres et sournois de personnages avec leur belle famille. Ici, il faut prendre le terme dans un sens plus propre. Cette "Belle famille" est tout ce qu'il y a de bien : un couple de cardiologues dans la petite quarantaine, trois enfants mâles, un 807, une belle maison à Granville, une éducation morale et religieuse parfaite, bref  l'archétype de la famille bourgeoise sans histoire.
Mais, dès la troisième page, l'auteur commence à égratigner la belle façade, le couple ne va pas si bien. Laurence est un peu psycho-rigide, engoncée dans les bonnes manières de sa caste, délaissée par un mari qui a plus d'intérêt pour le cognac que pour la bagatelle et les pontages coronariens dont il tire ses revenus. Les enfants vivent leur vie d'enfant en knickers et Madec le deuxième, plus sensible, flirte avec la mort plus souvent qu'à son tour.
Rangeant serre-tête en velours et  Paraboot, la famille part en vacances en Italie dans un complexe touristique au bord de la mer. Et là, c'est le drame.Un soir, seul dans le bungalow, Madec meurt accidentellement. Sa mère en découvrant son fils sans vie, dans un moment d'égarement, fait disparaître le corps du haut d'une falaise.
S'inscrivant dans la lignée d'un Balzac de la comédie humaine et d'un Emile Zola avec un naturalisme contemporain, Arthur Dreyfus nous livre ici un roman tout simplement jubilatoire.
Passée la première partie, un chef d'oeuvre de cynisme et d'humour noir, vrai dézingage de cette famille bien sous toutes les apparences, le roman prend une toute autre tonalité à la mort de l'enfant.
Inspiré de la célébre affaire de la petite Maddie disparue au Portugal il y a quelques étés, la deuxième partie se colore de sombre et du brillant des paillettes qui scintillent sous les projecteurs des médias qui ne tardent pas à s'intéresser à cette disparition. Le lecteur est pris dans le tourbillon médiatique obscène que déclenche cette affaire avec, en creux, le portrait d'une mère plongeant peu à peu dans le déni de mort. C'est à la fois haletant comme un polar mais aussi passionnant par la description sans fard d'une humanité prête à tout pour vivre un moment de gloire, une couverture de VSD ou garder une place dans un ministère.
Roman totalement maîtrisé du début à la fin, "Belle famille" a tous les atouts pour connaître le succès et même une adaptation cinématographique, à la seule condition de trouver un réalisateur aussi inspiré qu'Arthur Dreyfus (la tâche sera ardue car l'auteur a placé la barre très haut).

dimanche 25 mars 2012

Un garçon sans séduction de Christophe Mouton


Vous venez de vous faire larguer et vous broyez du noir?  La vie sans votre ex vous est insupportable? Le célibat vous pèse ? Vous doutez d'avoir un potentiel de séduction suffisant pour vous lancer dans la recherche d'une nouvelle partenaire ? Si toutes ces questions et bien d'autres vous taraudent, lisez ce premier roman de Christophe Mouton qui répondra peut être à vos questions et qui en plus vous mettra de bonne humeur.
Au commencement de cette histoire, il y a Thomas Loizeau vient de se faire larguer par Sybille. Elle le trouvait trop naze et lui a préféré un trader bourré de fric. Se retrouvant seul, et avant de se lancer dans la recherche d'une nouvelle femelle, Thomas s'interroge sur cette rupture, sur les chances de reconquérir son ex puis après réflexion sur la séduction en général et sur la sienne en particulier.
A partir de cette trame que ne renierait pas le magazine pour homme GQ, Christophe Mouton nous offre un livre singulier. Au lieu de se lamenter sur le départ de son ex, Thomas, ancien diplômé des Ponts et Chaussées, va raisonner en mathématicien. Il va mettre son amour en tableau, en équation. Chaque personnage se verra attribué une valeur sur 1000. Grâce à l'étude de cette cotation, il arrivera à se persuader que Sybille et lui n'avaient finalement aucun avenir. Mais cela révélera également un potentiel de séduction assez faible, seul moyen pour lui de trouver une nouvelle partenaire. 
Nous avons droit à une vraie démonstration mathématiques sauf qu'ici ce sont l'amour, le sexe, la famille, l'argent ou le prestige social qui servent de base à son raisonnement. Que les littéraires, qui sont vraisemblablement les acheteurs actuels de littérature ne s'effrayent pas, c'est un cours tout à fait à leur portée car tout cela est emballé avec un humour décapant. En véritable économiste de l'amour, ses calculs n'oublient aucun paramètre, pas même une prime pour hétérosexualité vu "le nombre significatif de garçons préférant les hommes et réduisant l'offre de mâles dédiés aux femmes est, d'ailleurs, un des causes de la prime".
Même s'il est plongé dans ses raisonnements matheux, le héros est tout à fait conscient du monde qui l'entoure et notamment de la pression qu'exerce le monde économique sur nos vies. Dans la deuxième partie du roman, Thomas va se transformer en véritable économiste de la séduction avec tout le verbiage y afférent : "créer le monopole" (le seul homme désirable), "Améliorer le produit", ("améliorer mon prix de marché, travailler mes abdos, accumuler l'argent, mieux correspondre à l'image masculine jugée distinguée (par les bourgeois) ou tendance (par la ploutocratie médiatisée et son armée de réserve des classes moyennes aspirant à vivre la vie des magazines), améliorer mon esprit et devenir plus viril."). Il va convoquer également Casanova, Don Juan et Valmont pour mieux affiner sa stratégie et sa réflexion.
J'ai pris un plaisir fou à lire ce roman bourré d'humour et de second degré (même si la deuxième partie est plus alambiquée). Cela m'a changé des lamentations habituelles de tous ces personnages nombrilistes qui se morfondent dans des bars glauques ou dans des canapés profonds, bleuglant leur amour perdu en s'enfilant du bourbon par hectolitres. Bien sûr, le héros, Thomas Loizeau,  ne pense qu'à lui mais au moins il est drôle et ça fait du bien. 
Christophe Mouton a écrit un livre furieusement moderne par sa forme et prouve avec ce premier roman qu'il existe toujours des écrivains qui peuvent intéresser leurs contemporains avec intelligence et esprit, faire preuve de grande culture sans pour autant ennuyer et finalement décrire le monde d'aujourd'hui sans concession mais avec humour.

samedi 24 mars 2012

Le palais des autres jours de Yasmine Char


Il y a des livres que je découvre sans rien connaître de l'histoire comme celui dont je vous parle aujourd'hui. "Le palais des autres de jours" de Yasmine Char a tout de suite évoqué pour moi une épopée orientale, un récit envoutant comme un conte de Shéhérazade mâtiné de poésie (Char sans doute). Un parfum d'orient pouvait s'échapper de sous la célèbre couverture beige des éditions Gallimard.
Pour l'Orient, on s'en approche puisque le récit débute au Liban, où, le jour de leurs dix-huit ans, Lila et Fadi, jumeaux, quittent le domicile de leur oncle et tuteur pour retrouver leur mère qui les a abandonnés enfants pour suivre un nouvel amour. 
Très vite, on quitte les rivages ensoleillés bien qu'en guerre de Beyrouth pour la froidure de Nancy. La rencontre avec la mère se révélant un fiasco, les deux héros décident de fuir à Paris, confrontant leur jeunesse à la dure réalité de la capitale. Lila est très attachée à son frère, l'aimant d'une manière quasi incestueuse. Lorsque celui-ci part à l'armée pour une année, l'héroïne doit prendre sa vie en main. Elle se fait embaucher dans une boutique de fringues de luxe tenue par Nour, libanaise attendant le retour d'une fille et d'un mari kidnappés par quelques guerriers à la cause obscure. Elle sera aimée sans grand retour par Yvan, le réceptionniste blond péroxydé de l'hôtel où elle habite. 
Le roman va dresser le portrait de Lila et de sa lente séparation d'avec son jumeau. Ca démarre très fort par une phrase terrible : "...il avait écrit qu'il cracherait dans ma bouche lorsque je serai morte." J'ai tout de suite était séduit par l'écriture fluide et évidente de Yasmine Char. La mise en place des personnages est rapide, j'ai très vite été pris par l'histoire et le vent de jeunesse qu'elle dégage. 
Seulement, petit à petit, l'ennui commence à poindre, le récit patine un peu. La passion de Lila pour son jumeau de plus en plus distant et manigançant des choses pas nettes m'a semblé peser des tonnes. Le personnage de Nour, femme blessée mais très romanesque, est un peu laissé de côté.
Même si l'écriture reste très belle tout au long du récit, elle ne parvient toutefois pas à transcender cette séparation, ni à nous faire vibrer avec le pseudo suspens de la fin. 
J'ai bien senti que cette histoire devait être en partie autobiographique, que le besoin de la coucher sur le papier était forte, cependant je ne suis pas très convaincu par le résultat qui m'a laissé un peu sur le bord de la route... N'est pas Shéhérazade qui veut...


jeudi 22 mars 2012

Les adieux à la reine de Benoît Jacquot

Benoît Jacquot a le ticket. J'entends par là que toute la presse qui compte (Le Monde, Télérama, Libération, Les inrocks, ...) hurle au génie à chaque nouvelle oeuvre du réalisateur. La machine se met d'ailleurs en route bien en amont de la sortie d'un nouvel opus du maître, offrant au lecteur interview, reportage, sur ce qui sera, il est interdit d'en douter, un événement incontournable. Les critiques seront évidemment positives, des phrases ampoulées et creuses enjoliveront, masqueront les défauts ou la vacuité du propos. Et le fossé entre spectateurs et critiques se creuse un peu plus à chaque fois.
"Les adieux à la reine" n'est pas un mauvais film mais ce n'est pas le chef d'oeuvre de l'année, ni même du mois, dans un contexte pourtant pauvre en longs métrages de qualité.
Adapté du très joli roman de Chantal Thomas, nous vivons les journées d'intense agitation de la cour de Louis XVI, le 14 juillet 1789 et les jours suivants. Nous nous accrochons aux basques de Sidonie Laborde, la lectrice de Marie-Antoinette, servante dévouée et amoureuse de cette reine qui commence à sentir poindre un final tragique. La caméra de Benoît Jacquot court dans les couloirs de Versailles, saisissant au passage l'angoisse, la résignation ou l'incrédulité des courtisans mais dont le premier intérêt reste tout de  même l'intrigue. Sur ce plan là, j'ai trouvé le film intéressant et inspiré. Hélas, il y a, pour moi, un hic de taille, une chose qui empêche l'adhésion au projet, c'est l'actrice principale, Léa Seydoux. Nous sommes sensés suivre les événements, les historiques comme les plus personnels, à travers ses yeux. Elle est le pivot du film, celle qui va instiller au film sa dynamique, son émotion. Seulement avec sa demi-expression boudeuse, la jeune actrice, le regard vide, a le charisme d'une endive. Sa jeune plastique est joliment mise en valeur mais son jeu est inexistant, prenant seulement des poses de mannequin. Ses partenaires, tous plus convaincants les uns que les autres, lui volent la vedette à chaque scène. Je sais que je dois avoir tort si j'en crois les louanges tressées dans la presse sur l'interprétation de miss Seydoux, mais qu'importe. Dès la moitié du film mon esprit ne s'intéressait plus qu'à l'arrière plan, d'ailleurs passionnant puisque l'histoire avec un H majuscule se vivait dans cette zone là. Et à la fin, quand Sidonie/Léa, aide l'amoureuse de la reine à fuir en Suisse, je me suis pris à espérer qu'elle soit arrêter par les militaires... tellement son unique expression butée m'indisposait. Mauvais que je suis...
Pour conclure, le film est pas mal fichu et peut être intéressant surtout si vous aimez Léa Seydoux, mais moi je recommande plutôt la lecture du roman.

mercredi 21 mars 2012

La biche ne se montre pas au chasseur d'Eloïse Lièvre


La lecture de ce livre a une petite histoire. Faisant partie du jury du prix Orange du livre qui doit sélectionner 5 romans français parus au premier trimestre 2012, j'ai été contacté via Facebook par une auteure qui publiait son premier livre chez un petit éditeur qui m'était totalement inconnu. Elle faisait la promotion de son ouvrage et souhaitait que je me plonge dans son récit. Je n'aurai pas donné suite si je n'avais vu que ce roman avait été sélectionné dans un concours de manuscrits par la revue Technikart. Comme je suis un lecteur assidu de ce magazine, je m'en suis allé chez mon libraire acheter l'oeuvre que je me suis empressé de lire, promettant à son auteur une critique , comme d'habitude, sans connivence.
Le sujet, féminin en diable, ne m'est pas forcément destiné, moi mâle égoïste et père de famille.
La biche du titre est une jeune femme qui veut un enfant, là, tout de suite. Bien sûr, après des années de pilules cela ne marche à la première saillie et l'impatience est grande. Les mois passent et voici la ronde des médecins, des spécialistes, des analyses poussées. Tout est normal, la machine est prête à fonctionner. Mais la fécondation ne se fait point... Et si c'était dans la tête?
Sur un sujet de magazines féminins, Eloïse Lièvre arrive bien à nous faire partager l'attente, l'envie irrépressible de ce bébé, la déception, la froidure des médecins, les salles d'attente sordides et leurs vieux magazines périmés. Un peu perturbé au début par ses longues phrases un peu alambiquées, je me suis finalement laissé porté par cette écriture qui décrit très justement ce sentiment intime de la maternité désirée, portant ainsi ce sujet de chronique psycho de Marie Claire vers des contrées plus littéraires. Toute cette partie est vraiment bien fichue, plaisante, tendre, un peu mordante, bref réussie. Par contre quand, le problème se révèle être psy et que l'auteure se retourne vers l'enfance, je suis resté plus dubitatif. L'insistance autour des amours animales, le lavage des attributs sexuels d'un étalon m'ont semblé un poil clichés. Sans révéler la fin de l'histoire, le blocage psychologique, s'il est plausible, il est de ceux que l'on doit avoir du mal à occulter dans une vie de femme et l'héroïne semble tout d'un coup s'en souvenir comme si elle retrouvait un vieux truc oublié...
Etrange... Etrange aussi, le dernier paragraphe, bien écrit, beau, humain sûrement, mais avec un arrière goût bien pensant qui m'a dérangé. 
Ce livre, dont je n'attendais pas grand chose, est finalement une agréable surprise. Pas totalement maitrisé mais prometteur par l'acuité du regard de l'auteure et par son écriture qui sait si bien décrire le désarroi de toutes ces jeunes femmes face à la non fertilité dans une société qui rêve les femmes à la fois mères et putains.



mardi 20 mars 2012

La famille de Bastien Vivès



Après le bon accueil du premier volume des petites chroniques du blog de Bastien Vivès (Le jeu vidéo), les éditions Delcourt, nous proposent ce mois-ci un nouveau recueil consacré cette fois-ci à la famille.
Autant le précédent était centré sur une observation minutieuse des moeurs des accros de la Playstation, ici le milieu familial est plutôt présenté sur un mode dézingage. Adieu humour tendre, bonjour humour très grinçant.
Le premier chapitre(?) débute sur les chapeaux de roue, mettant tout de suite le lecteur dans l'ambiance. Un petit garçon, 8/10 ans, demande à son papa ce qu'est une turlutte. Le papa explique, propose une clope à son fils, l'allume, et compare la technicité de la mère avec celle d'autres meufs. La mère intervient en leur demandant d'aller sur le balcon à cause du bébé que la fumée pourrait incommoder. Le père accepte et part avec son mouflet finir la clope en buvant chacun un demi. La suite est du même acabit : une tata offre à un petit garçon un vrai flingue chargé, un père apprenant que sa fille de quinze ans va dans une boîte remplie de blacks la prévient des méfaits des gros sexes qui vont lui défoncer son sexe et lui provoquer une descente d'organes à vingt-cinq ans... 
Bastien Vivès a une vision très cruelle de la famille. Les parents sont des irresponsables en puissance, hésitants entre une attitude ultra cool jusqu'à l'extrême et rigidité d'un autre temps, traitant leurs enfants comme des adultes ou bien atrophiés du cerveau par une civilisation accès sur le loisir et les profils Facebook. Les enfants sont angoissés et/ou obsédés par le sexe, violents mais de toute façon déboussolés par un monde qui ne sait pas où est leur place exacte.
On ressort de cette lecture, essoré, dérangé, la tête pleine de questions. Pourquoi tant de haine? 

Bastien Vivès veut-il se reproduire ? Notre société va-t-elle si mal ? 
Plein de questions donc qui prouvent ce petit album format manga n'est pas si anodin que ça. Cependant sa lecture très dérangeante risque de choquer ceux pour qui la famille est un havre de paix et de bonheur. Les autres pourront rire (jaune?) devant ces strips à l'humour très aigre. 
Décidément, Bastien Vivès est un auteur surprenant et tonifiant...

lundi 19 mars 2012

Le mystère Sherlock de J.M. Erre


Les écrivains français dans leur ensemble sont de gens formidables. Ils sont très productifs, publient à tour de bras des ouvrages qui, pour la plupart, ne seront pas lus. Peu intéressés par la gloire et l'argent, ils veulent simplement faire partager leurs émotions, leurs souffrances. Ils racontent souvent des histoires dont les héroïnes tourmentées cachent un affreux adultère ou une mère castratrice voire un viol incestueux (très à la mode ce dernier) et parfois les trois ensemble... Quelques uns se jettent tête baissée dans le fait de société, le chômage, le surendettement, le sida, le coming out. Tout cela n'engendre pas vraiment l'hilarité et plombe souvent le lecteur dans des pages lugubres qui vont le pousser à se gaver de neuroleptiques pour pouvoir supporter un réel tout aussi angoissant.
Et puis il existe une race en voie de disparition : l'écrivain qui veut faire rire ses lecteurs. A part quelques dames surfant sur la vague "Bridget Jones " ou "Le diable s'habille en Prada", connaissez-vous beaucoup d'auteurs qui ont fait le choix de mettre son lectorat de bonne humeur ? Très très peu en fait (et surtout si vous en connaissez, mettez-moi leur nom dans les commentaires, je suis preneur).
Je viens (avec retard, je sais ) de découvrir J.M. Erre.... J'en ris encore ! Non seulement "Le mystère Sherlock" est drôle mais aussi intelligent, bien écrit et ingénieux.
Imaginez une intrigue lorgnant vers les 10 petits nègres d'Agatha Christie, avec l'érudition joyeuse d'un Pierre Bayard (universitaire travaillant sur la littérature), un zeste de Charles Exbrayat pour le côté déjanté,  une écriture férocement drôle et vous aurez un bouquin qui devrait vous faire passer un excellent moment.
Cette réunion de spécialistes de Sherlock Holmes coincés par la neige dans un hôtel Suisse, avec ses personnages très hauts en couleur et leurs disparitions tragiques au fil des pages, est un régal. C'est vrai que ce n'est pas toujours très léger, mais la construction très maîtrisée de ce livre, la truculence du style et les rebondissements incessants happent le lecteur jusqu'à la fin, qui elle aussi, comme dans un bon polar, joue sur l'effet coup de théâtre.
Il est certain que je me procurerai les précédents ouvrages de J.M. Erre, surtout que le web me dit qu'ils sont meilleurs (Est-ce possible?). Je ne peux que remercier Jean Marcel (le prénom que cachent les initiales J.M.) qui, dans ce monde de brutes, a le bon sens d'écrire d'excellents livres pour distraire ses contemporains. Qu'il en soit ici grandement remercié.
Et je ne résiste pas au plaisir de vous faire lire le premier paragraphe de cet étonnant roman, histoire de vous mettre, j'espère, l'eau à la bouche :
" En ce joli mois de mai, la neige était tombée dru, juste pour énerver le réchauffement climatique. dans la vallée suisse de Meiringen, dame Nature avait revêtu son blanc manteau. Sur le voile immaculé, saupoudré çà et là de fleurettes hardies, des marmottons pelucheux batifolaient gaiement. Des mésanges nonnettes enrobaient la scène de pépiements sucrés, de violons et de hautbois. Le temps était suspendu, bien sûr. Il ne manquait plus que le Père-Noël accompagné de sa tripotée de lutins, et c'était l'extase cosmique. Tous les clichés étaient convoqués pour faire de cette scène un moment inoubliable de beauté, de pureté et de Walt Disney. Mais heureusement pour l'amateur de polar, friand de sang chaud et de frissons d'échine, tout ça ne dura pas...
Car, tout à coup, surgissant dans un nuage noir puant et sans doute cancérigène, un énorme chasse-neige crasseux dégagea de son inflexible rabot tous les blanc manteaux, marmottes et hautbois qui traînaient par là. "

"Le mystère Sherlock" de J.M. Erre est édité par Buchet Chastel au prix de 20 euros. ( Pas cher pour une thérapie par le rire)

dimanche 18 mars 2012

38 témoins de Lucas Belvaux


Une jeune femme se fait sauvagement assassiner vers 3 heures du matin dans une des artères principales du Havre. Visiblement, personne n'a rien vu, rien entendu. Seulement Pierre, bourré de remords, avoue à la police que ce soir là des cris horribles l'ont réveillé et qu'il a vu la victime tituber et s'effondrer. L'enquête est relancée, révélant que finalement 38 personnes avaient préféré le silence...
A partir de ce thème de société fort, la lâcheté, le silence devant le drame, Lucas Belvaux avait un sujet en or. Malheureusement, il est passé à côté, la faute à un scénario lourdingue, donnant la vedette à un couple peu crédible.
Prenons, Pierre, Yvan Attal, comme d'habitude taciturne et renfermé, est une boule de souffrance, n'osant pas avouer ce qu'il a vu cette terrible nuit. C'est un taiseux mais dès qu'il doit argumenter un peu, on se croirait dans une tragédie de Corneille. On a droit à l'emphase, à la psychologie profonde,  aux tourments exarcébés. C'est vite grotesque, peu approprié à l'action. Les rapports avec sa fiancée (Sophie Quinton) sont de la même eau. Absente la nuit du drame, elle pressent beaucoup de choses (trop à mon avis) et son comportement la fait ressembler à une future sainte à canoniser. 
Devant tant de lourdeur, le spectateur décroche un peu. Heureusement, le personnage de la journaliste fouille-merde, jouée par Nicole Garcia (très bien) et le procureur soucieux de maintenir l'ordre public (Didier Sandre) amènent un point de vue beaucoup plus juste et plus intéressant. 
Lucas Belvaux, par contre, a réussi une reconstitution du crime glaçante et sidérante, moment très fort du film. Remarquablement mise en scène, montée au cordeau, dialoguée au plus précis, elle synthétise admirablement le propos du film. Le spectateur devient lui aussi un témoin muet, sa lâcheté lui saute à la figure et le plonge dans les affres de la culpabilité. Du grand art qui arrive bien trop tard. 
Et pour mieux enfoncer le clou, le film se termine sur notre couple vedette. Le dialoguiste ayant épuisé sa veine tragique, il a décidé de faire court et simple. Hélas, c'est encore raté. Ridicules ils étaient, ridicules ils resteront dans ce final hautement improbable.

samedi 17 mars 2012

Cloclo de Florent-Emilio Siri


Samedi 17 mars, séance de 13h45, je suis assis dans la salle qui projette "Cloclo"; le biopic de Florent-Emilio Siri. Autour de moi, une cinquantaine de personnes : des couples soixantenaires, des femmes seules du même âge et, par grappes, des ados la bouche bourrée de pop-corn. 
Le film démarre par la jeunesse en Egypte de la future idole. Rapide, filmée comme une pub de voyage, cette partie n'est guère convaincante et Jérémie Rénier est un peu âgé pour passer pour un ado de 17 ans. La seule chose qui gêne le couple assis derrière moi sont les sous-titrages (la maman parle en italien ou en arabe) pourtant pas nombreux mais "si en plus il faut lire!...." Les ados continue de mâcher et de rigoler. 
Le film démarre vraiment à l'arrivée à Monaco où Claude F va se faire embaucher dans un orchestre au grand dam du papa qui le jette de la maison. La caution psy posée, le film fonce à Paris où finalement la carrière va décoller avec l'enregistrement de "Belles, belles, belles". Les soixantenaires retrouvent leur jeunesse en tapant du pied contre mon fauteuil, les ados, eux changent de place, pas pour mieux voir, mais par stratégie d'approche buccale.
La suite est comme la vie de la vedette : trépidante. Succès, amours, achat de maison, argent, belles bagnoles, tubes, fans en délire. Tout va très vite, Claude François apparaît de plus en plus insupportable, maniaque, jaloux, impitoyable. Le couple soixantenaire reste coi de stupeur, l'image de la star étant sérieusement écornée. Les ados eux continuent le jeu des sièges musicaux : on ne bouge pas quand ça chante, mais dès que ça bavarde, hop, on se lève.
Cloclo se transforme maintenant en chef d'entreprise. Il contrôle son image au maximum et devient carrément imbuvable. Il abandonne femme et enfants dans son moulin pendant qu'il saute toute blonde appétissante passant à sa portée (et elles sont nombreuses puisqu'il les photographie pour son magazine de charme "Absolu"). Mais la banqueroute le guette ainsi que l'âge. Il doit recentrer sa carrière sur l'international et le disco. Après l'enregistrement de "Magnolias for ever" et de son passage au Royal Albert Hall de Londres, Cloclo se fout à poil pour une petit douche, un après midi de mars 1978. Dés que l'applique électrique apparaît à l'écran, la dame soixantenaire commence à sangloter et les ados crient " On voit rien" (ce n'est pas de l'humour, c'est juste que le plan est trop pudique). 
Le film toucha à sa fin, la dame en est à son dixième mouchoir, son mari la console comme il peut. Le générique est à peine sur l'écran que les ados foncent vers la sortie en criant :"Y'a même pas eu Alexandrie, Alexandra"! En fait, si, mais il fallait un tout peu de patience. La salle se rallume. Les dames seules sont tétanisées. La mine triste, elles semblent avoir perdu pour la deuxième fois leur idole. Le mari de la dame soixantenaire a bien du mal à faire enfiler le manteau de sa moitié tellement celle-ci est nouée d'émotion.
Et moi dans tout ça ? Ayant occupé les ondes des radios de mon enfance et de mon adolescence, Claude François ne m'a jamais vraiment fait rêver. Le film, malgré ses 2h20, passe très vite mais n'est pas pour autant un chef d'oeuvre. Je pense qu'il fonctionnera bien auprès d'un public francophone, habitué à l'oeuvre lyrique de Cloclo, comme une madeleine de Proust, petit plaisir sans prétention.
Toutefois, il faut saluer la performance hallucinante de Jérémie Rénier tellement convaincant qu'on a l'impression de voir le vrai Claude François. Il brille d'autant plus que le reste de la distribution est assez terne, notamment toutes les femmes et fiancées de l'artiste ou grotesque comme Benoit Magimel en Paul Lederman, l'imprésario, tout droit sorti d'une série Z sur la mafia.
Au final, un film bien ficelé qui vaut surtout par le portrait piquant développé par un scénario assez caustique et par la présence électrique de Jérémie Rénier, décidément en très grande forme.







vendredi 16 mars 2012

Fourmi d'Olivier Douzou


Etre auteur pour les jeunes enfants peut sembler facile. On peut penser que s'adresser à un lecteur de trois ans n'engendre pas une grosse réflexion. On prend un animal mignon, de jolies couleurs, un peu de vocabulaire pour le côté pédagogique, un thème proche souvent de l'imagier et hop le tour est joué. 
Seulement au bout du compte vous obtenez un album lambda qui ne sort pas du lot et finira au pilon ou chez des soldeurs. 
"Fourmi" qui vient de paraître aux éditions du Rouergue est d'une toute autre facture. Olivier Douzou a trouvé l'équation idéale du bon livre pour petit. Il a pris l'animal mignon, un ours, il a gardé le petit côté pédago léger, juste ce qu'il faut,  avec du vocabulaire autour du corps et  il a ajouté un graphisme moderne et ingénieux. Par contre il a viré toutes les couleurs sauf l'orange qu'il a associé au noir et au blanc. Et comme tout bon album doit aussi faire appel à l'intelligence de son lecteur, il a réservé un traitement jouant sur le positif/négatif et a concocté une chute sous forme de devinette, invitant l'enfant à stimuler ses neurones. Vous imprimez le tout sur un beau papier cartonné sur un format idéal pour les mains d'un 3/4 ans et vous obtenez un résultat qui est formidable d'intelligence et créativité. L'équation peut donc s'écrire comme ça : 
(ours + Robert - arc en ciel) + (e=mc2)(23x17)= FOURMI, l'album qu'il faut à votre choupinette ou choupinet  toute affaire cessante.
On dit quoi maintenant? Merci Monsieur Douzou !

Livre lu dans le cadre Prix Sorcières 2013 organisé par Libfly


jeudi 15 mars 2012

Le paradis des bêtes d'Estelle Larrivaz

Je suis un peu embêté pour parler de ce film au sujet fort et au traitement assez pertinent. La critique en général a plutôt aimé, saluant le côté original de la mise en scène. L'impression qu'il me reste après la projection est un peu mitigée.
L'histoire se déroule dans les Alpes. Dominique et Cathy sont mariés, ont deux enfants. Ils vivent bourgeoisement dans une belle villa au bord du lac d'Annecy. Dominique dirige avec sa soeur Stéphane une chaîne d'animaleries "Le paradis des bêtes". Derrière cette apparente tranquillité, le couple va mal. Cathy, victime de violences conjugales répétées, décide de partir avec ses enfants. Le film va ensuite nous narrer la lutte entre les deux époux pour récupérer les enfants.
Bien sûr, avec un sujet pareil, on est à cent lieues d'une comédie relaxante, l'humour n'y a aucune place. Le mari, interprété avec beaucoup de force par Stéfano Cassetti, est inquiétant à souhait avec son regard bleu acier des plus glacial. Il suinte de violence contenue et diffuse constamment un danger imminent. Face à lui, Géraldine Pailhas, sa femme, est comme d'habitude parfaite, résignée puis rebelle, les traits tirés et l'angoisse au fond des yeux. Muriel Robin jouant la soeur du mari, amoureuse refoulée (incestueuse?), est tout aussi flippante. La réalisation alterne les scènes avec les enfants, moments plus doux, un peu plus poétiques permettant au spectateur de respirer et celles avec les parents plus dures, plus âpres.
Même si l'action avance assez lentement, le scénario délivre avec subtilité tout un tas d'éléments sur les personnages aidé en cela par une image aux cadrages signifiants et bien étudiés.
C'est intéressant, stimulant pour le spectateur exigeant que je pense être, mais malgré tout je me suis un tout petit peu ennuyé. Je pense en avoir trouvé la raison : c'est la faute des enfants. D'habitude, au cinéma, les casteurs nous trouvent des petits monstres adorables qui crèvent l'écran. Ici, ils m'ont semblé pas vraiment impliqués, pas très justes, comme si on les avait préservés de cette sordide histoire. Essentiels à l'histoire, leur présence en demi-teinte n'est pas vraiment en cohésion avec la force que dégage la partie adultes. La réalisatrice a beau utiliser des cadrages pertinents ou sophistiqués, elle n'arrive pas à masquer leur manque de charisme.
Malgré tout, le film est une vraie bonne surprise, alliant sujet fort pas souvent traité au cinéma me semble-t-il et vrai regard de cinéaste. Deux atouts qui devraient inciter les spectateurs à aller découvrir ce "Paradis des bêtes" plutot plus proche de l'enfer.

mercredi 14 mars 2012

Terraferma d'Emanuele Crialese

Un île, Lampedusa, au sud de l'Italie. Des pêcheurs, vieux, plus très nombreux, qui pêchent plus de détritus que de poissons. Un bateau, vieux lui aussi, qui vaut 100 000 euros de subventions européennes si on le met à la casse. Une famille, simple, rêvant de ce pactole pour prendre un nouveau départ. La même famille qui vit l'été dans son garage pour louer sa maison à des touristes. Des touristes, nombreux, venus sur l'île pour faire la fête et se dorer sur les plages grises de sable volcanique. Voilà le décor et le point de départ du film. C'est classique,déjà un eu social et c'est filmé avec les couleurs d'un film des années 50. Et puis, le grand père de la famille modeste découvre en mer une embarcation remplie de clandestins...
A partir de ce moment là, le film prend une tournure beaucoup plus grave. La famille de pêcheurs va recueillir une femme enceinte et son fils. Elle accouchera dans le garage... Pendant ce temps, la police va récupérer tous les clandestins pour les ramener à la frontière.
A partir de ce sujet brûlant d'actualité pour l'Italie en particulier et pour les autres pays de la communauté européenne en général, le film va dérouler tous les poncifs habituels : les méchants policiers, les touristes indifférents, le plagiste qui ne veut surtout rien voir, l'égoïsme de certains, la révolte d'autres. Du vu, du revu mais seulement ici la sauce prend bien grâce à  un scénario qui ne se pose jamais en donneur de leçon. Emanuele Crialese ne juge jamais et préfère titiller la conscience (bonne ou mauvaise) du spectateur. Il joue sur les oppositions qu'un tel sujet ne peut éviter : les radeaux surpeuplés des clandestins face aux bateaux bourrés de touristes dansant et plongeant dans la mer, les bons vieux pêcheurs arguant la règle millénaire du secours en mer contre les règles de non assistance et de dénonciation de la police.
Là où il emporte le morceau c'est dans toutes les scènes qui opposent la femme africaine et la mère italienne. On voit se tisser petit à petit un lien entre elles. Le sentiment d'humanité et de révolte va les souder peu à peu. C'est filmé sans prétention, tout en retenue et les deux comédiennes sont absolument formidables.
 Mais s'il y a une scène à retenir, c'est celle de la promenade romantique de deux jeunes gens, la nuit sur une petite embarcation qui se trouve soudain assaillie par une nuée de clandestins. Moment intense d'une violence physique et psychologique inouïe, glaçante, dérangeante, elle symbolise parfaitement notre monde actuel, partagé entre pays riches et pays pauvres et les convoitises que cela suscite.
"Terraferma" réussit à nous émouvoir là où, à mon avis, "Le Havre" échouait par trop d'effets décalés. Sa mise en scène sobre et sans chichi lui donne la force requise pour chatouiller la conscience de tout bon occidental obnubilé par son nombril.



mardi 13 mars 2012

Mufle d'Eric Neuhoff


Ce petit roman de 112 pages, gros caractères est vite lu et je ne vais pas m'étendre non plus par un billet très long. 
En deux mots, le narrateur, cinquantenaire vit avec Charlotte, que je pensais jeunette au début du livre mais qui s'avère ne plus être de toute première fraîcheur puisqu'au bord des rides, des varices et du ventre plissé. (Mufle, c'est le titre !)
Bon, elle est hyper séduisante quand même, car l'auteur la soupçonne de le tromper (et pas qu'une fois, la garce !). A partir de la naissance du soupçon jusqu'à ce qu'elle lui sorte de l'esprit, Eric Neuhoff nous livre ses états d'âme. De la jalousie jusqu'à l'effacement, aucune réflexion de ce bourgeois parisien ne nous sera épargnée. La séparation n'est pas chic :  il regrette de ne pas avoir fait un dîner d'adieu au Grand Véfour...
Il fait des cauchemars : il rêve qu'il encule Tom Cruise... Il va dans des soirées qui pétillent au milieu d'artistes ou de galéristes dont l'un des invités exhibe son pubis à demi épilé par une demoiselle tarifée hollandaise. 
Ce petit roman est assez anodin, pas vraiment intéressant, pas drôle, pas touchant, pas terrible en fait. Toutefois, si vous êtes dans la création, habitez Paris 6ème, fréquentez les vrais dîners de la ville et que vous avez un soupçon de muflerie, cela devrait vous parler. Les autres...

lundi 12 mars 2012

France culture papiers


Cela faisait un petit moment que je voulais parler des "mooks" et la sortie du très prometteur "France Culture Papiers" m'en donne l'occasion.
Oui, il paraît que ce genre de magazine s'appelle un mook, qui est la contraction de magazine et de book.
Il semblerait toutefois que certains continuent à appeler cela revue, dans le sens chic du terme, celui qui fait penser à "La revue des deux mondes" ou à "Esprit".
France Culture Papiers n'est pas le premier mook à voir le jour. C'est le très beau XXI qui a lancé la mode avec succès, suivi de "Usbek et Rica" qui vient lui de passer en version vrai magazine, puis on a vu "Muze" pour les jeunes femmes intellos, "Schnock" pour les cinquantenaires nostalgiques mais fringants, "6 mois" pour les passionnés de reportages photos, "Otograff" que l'on compose en partie sur le net et "Feuilleton" pour les amoureux des longs reportages bien écrits.
Tous ces mooks ont les mêmes particularités : leur prix avoisinant les 15 euros, une périodicité trimestrielle, du beau papier, des photos de qualité et une très belle mise en page. Cela en fait des objets que l'on aime garder voire exposer sur sa table de salon (il faut l'avouer que c'est plus chic que "Voici").
France Culture Papiers ne déroge pas à la règle. Edité par Bayard, il a la très bonne idée de mettre en page et en photos les émissions d'une radio que tout le monde nous envie mais qui n'est pas forcément la plus écoutée. Personnellement, il m'arrive de m'y brancher mais sans en être un auditeur fidèle. 
Et cette revue est un vrai bonheur ! Elle reprend tout ce qui a marqué l'antenne durant le trimestre, interviews, chroniques, reportages, le tout remarquablement mis en page. Un régal pour l'oeil et l'esprit. Les articles ne sont pas trop longs. On peut grappiller au fil des jours et selon son humeur, un entretien avec Jan Fabre, Gérard Depardieu évoquant Marguerite Duras, un dossier sur les révolutions arabes ou l'univers de la psychiatrie, une chronique de Danièle Sallenave sur l'expression "Ma maman". C'est varié, c'est vivant, c'est stimulant. Ils ont même pensé à une partie "archives" car nombreuses et diablement intéressantes pour cette radio qui a reçu et reçoit tout ce que le monde fait d'intelligence.
C'est certain que ce mook m'accompagnera tout le printemps, que j'achèterai le prochain et il sûr que je vais beaucoup l'offrir. Je pense aussi que je risque de me connecter plus souvent sur les ondes de France Culture, le grand trip culturel, quoi!

dimanche 11 mars 2012

Les séparées de Kéthévane Davrichewy



Je le dis tout net et tout de suite, je me suis énormément ennuyé à la lecture de ce roman. A aucun moment,  je n'ai été intéressé par cette amitié soi-disant fusionnelle entre Alice et Cécile. D'ailleurs, elles ont beau se blottir l'une contre l'autre, se téléphoner tous les jours, passer toutes leurs vacances ensemble, je n'ai jamais ressenti leur proximité, tout m'a semblé factice, très fabriqué. J'ai eu l'impression qu'elles traversaient la vie, sans s'intéresser à ce qu'il se passe autour, uniquement préoccupées par leurs petites affaires. Et puis, cela commence à devenir cliché de débuter un roman par la victoire de François Mitterrand en 1981, puis d'évoquer les trente années qui suivent. D'accord, c'est le deuxième cette semaine (voir Isabelle Monnin et "Second tour"), c'est une mauvaise pioche, je n'ai pas de chance. 
Ici tout m'a semblé lourd. Pensant titiller les souvenirs, l'auteur nous envoie les tubes variétoches de ces trente dernières années. Pour nous faire pleurer, on convoque le sida, car il est impensable qu'un personnage traversant cette période ne puisse l'attraper. Pour nous horrifier un peu plus, on nous révèle un inceste car là aussi, il est absolument indispensable qu'une vraie héroïne ait  été tripotée par un parent. Et puis, cerise sur le gâteau, une des héroïnes est dans le coma. Vibrant hommage à Almodovar, cinéaste culte des ces dernières décennies, il m'a semblé ici juste un artifice de narration habile mais pas du tout convainquant. 
Je ne dirai rien de la fin de ce roman, sommet de kitsch et de ridicule qui m'a juste fait ricaner. 
Je sais que je vais me faire détester par un grand nombre de blogueuses qui ont AAAdoré ce livre. Mais, cet enfilage de clichés a tué pour moi toute émotion. L'écriture ne casse pas trois pattes à un canard et les personnages féminins sont assez inconsistants. J'entends déjà hurler les milliers de lectrices qui ont encore les yeux embués après cette lecture... Peut être que ce livre ne s'adresse qu'aux femmes et que l'horrible mâle que je suis ne comprend rien à la nature si sensible et si profonde de ces deux héroïnes. Soit, mais on ne m'enlèvera pas de l'idée que qu'on est à cent coudées de textes pourtant féminins et dont l'émotion est vraiment palpable : Annie Ernaux, Carole Martinez ou plus récemment Chloé Delaume.

samedi 10 mars 2012

Second tour ou les bons sentiments de Isabelle Monnin


Que sont devenus tous ces jeunes euphoriques qui ont fêté le 10 mai 1981 la victoire de François Mitterrand, de l'espoir plein la tête ? Isabelle Monnin, journaliste au Nouvel Obs, nous en donne des nouvelles dans son deuxième roman.
  Afin d'éviter tout malentendu, je préfère signaler que, moi même, à l'époque, j'ai fêté cet événement le coeur gonflé d'espérance. A la seule différence des héros du livre, j'étais au Mans et je ne faisais pas partie de ce que très vite on allait appeler la gauche caviar (ou la gauche Kenzo pour les fashions victimes).
Dans "Second tour", nous sommes en mai 2012, le samedi précédent le deuxième tour de l'élection présidentielle qui voit s'affronter un président sortant de droite et un candidat socialiste.
Là, je sens que vous êtes intéressés, de la politique fiction mâtinée de divination par quelqu'un du sérail, miam miam !
Les cinquante ans de J.P. sont l'occasion pour lui de réunir tous ses amis et notamment ceux qui ont fait partie de ses années étudiantes, années de folies mais aussi de militantisme pour une union de la gauche dont l'arrivée au pouvoir fut un des moments intenses de leur existence. Ils sont venus, ils sont presque tous là (sauf le copain maudit qui a retourné sa veste pour un poste de ministre dans le gouvernement de droite et le mari de l'héroïne, au travail à Chicago).
Ah, vous sentez peut être que ça commence à sentir le caviar... vous n'avez pas tort !
L'auteur va s'intéresser tout à tour à Jeanne, femme de Pascal, l'avocat toujours entre Paris et les States et à Pierre, l'ancien photographe baroudeur, séduisant, un peu mystérieux  et surtout vieux loup solitaire.
Qui a dit que le personnage masculin est un ramassis de clichés digne d'Harlequin ? Je dis non tout de suite, dans un roman Harlequin, le héros, au départ est certes beau mais aussi très antipathique. Ici, il est d'emblée sympathique donc vous n'êtes qu'une méchante langue! 
Jeanne et Pierre, lors de cette nuit de mai 1981 ont échangé un baiser dont ils n'ont jamais oublié le goût . Pendant trente ans, chacun de leur côté, ils ont conservé dans un coin de leur coeur, le regret de cet amour inachevé, transformé au fil du temps en un amour secret qui les aura aidé à avancer.
Oooh, c'est beau comme du Marc Levy, la sauce ésotérique en moins.
Présents tous les deux à cette soirée, ils vont commencer par s'éviter. L'auteur en profite pour nous les raconter un peu plus profondément . Jeanne a renoncé à sa carrière d'avocate pour élever ses cinq enfants sous la houlette d'un mari de gauche, plein de principes. Pierre, lui, ne s'est jamais marié. Il a du abandonner son métier de photographe suite à un accident et consacre sa vie à légender des photos et à s'occuper de son jumeau enfermé dans un hôpital psy.
C'est totalement anecdotique, mais pour bien ancrer le milieu social, les cinq enfants se nomment Kevin, Dylan, Steven, Kimberley et Jennyfer...
 Non ! Je plaisante, rassurez-vous. C'est Jacob, Leah, Alfred, Solal et Hannah.
 Ouf, vous voilà rassuré, ils ne seront pas stigmatisés à l'Ecole Alsacienne.
Puis, inévitablement, ils vont se retrouver, face à face. 
Leurs sentiments refoulés referont-ils surface? Jeanne osera-t-elle, sur un coup de folie, quitter enfants, mari et bel appartement bourgeois ? La ferme des Cévennes de Pierre verra-t-elle l'arrivée d'une parisienne presque cinquantenaire? L'ami maudit de droite viendra-t-il finalement à la soirée? Pourquoi, à chaque fois qu'apparaît dans le texte le mot #bras, y-a-t-il le signe # devant ?
Vous connaitrez la réponse à toutes ces questions en lisant "Second tour ou les bons sentiments" d'Isabelle Monnin, édité par Lattès, 18€, dans toutes les bonnes librairies...
.... Ou pas. Parce que ce n'est pas vraiment indispensable. Si le personnage de Jeanne est assez bien vu et bien cerné, Isabelle Monnin a plus de mal à faire exister son personnage masculin. Je n'ai pas beaucoup cru au baroudeur romantique, éperdu d'amour à cause d'un baiser échangé sur le bord de la Seine, trop taillé pour lectrice de Nous Deux.
Le côté politique, avec le récit des luttes diverses de ces trois dernières décennies, est agréable à lire mais pas original.
Pour conclure, je dirai que ce roman, au style délié, se lit sans difficulté mais, pour moi,sans grand intérêt non plus, à moins d'être un vrai bobo parisien ou une femme (un homme aussi) qui refuse de lire un roman Harlequin dans le métro.








vendredi 9 mars 2012

Le syndrome de glissement de Elisabeth Laureau-Daull


Derrière ce titre un peu technique et pas très vendeur, se cache un très joli livre qui ne peut laisser indifférent. Le  thème est proche de "Et puis, Paulette..." dont je vous ai parlé l'autre jour, c'est à dire le troisième âge et même la vieillesse ( à croire que je suis addict aux récits traitant de maison de retraite, de maltraitance des anciens ). Cependant, ici, le traitement et le regard de l'auteur sont complètement différents. Pas de guimauve ni de conte pour vieux, de l'humanité, beaucoup, mais aussi un réalisme qui dérange et fait réfléchir.
Julienne, quatre-vingt-cinq ans entre dans la maison de retraite "Les mouettes". Fringante, encore pleine d'énergie, elle tient sur son vieil ordinateur son journal de pension. Elle décrit son quotidien, les personnes qui l'entourent, aussi bien les pensionnaires que le personnel d'encadrement, le tout avec un délicieux petit humour décalé. Elle ne mâche pas ses mots et choquée par ce qu'elle observe, commence même à inoculer un léger esprit de révolte à ses nouveaux amis. Seulement, le personnel soignant veille et va tout faire pour mâter la rebelle. Et quand l'âge s'en mêle aussi, le combat est loin d'être égal.
La construction de ce roman, pas du tout alambiquée, alterne le présent et le passé. A mesure  que le  portrait de Julienne devient de plus en plus précis, son présent va déclinant. A cause de la maison de retraite, elle va connaître le syndrome de glissement, c'est à dire les absences, l'oubli, la perte de contrôle, la somnolence entrecoupée de repas. "Je ne parle plus, j'oublie ma toilette et je suis pleine de larmes". 
Raconté comme cela pourrait faire croire que c'est un livre terriblement glauque et sinistre. Dire le contraire serait faux, mais l'écriture de l'auteur emporte ce livre au-delà. L'humour est toujours présent, décalé parfois, grinçant aussi. C'est l'humour de ceux qui savent que des combats se mènent aussi par la dérision. Julienne, même quasi grabataire, ira jusqu'au bout de sa révolte. C'est ce sentiment qui court tout le long de ce roman et qui lui donne cette force mais aussi cette émotion. 
Cela aurait pu s'appeler "On achève bien les vieux" ou "Nuit et brouillard". L'auteur a préféré "glissement", mot plus doux qui dit aussi que les vieux, dès qu'ils sont parqués dans un établissement spécialisé sont posés sur une planche bien savonnée et qu'ils glissent plus vite qu'ils en ont envie vers une mort indigne. Personne pour leur tenir la main, personne pour leur donner un regard attentionné. Rien. Pas d'humanité, pas de respect. Une honte nationale que personne ne veut voir.
Heureusement, il y a dans ce roman, une Julienne qui, même si elle n'échappe pas à son destin, donne au lecteur une envie de se battre et de refuser ce système ignoble.
Un bon livre à découvrir, avec, j'insiste, beaucoup d'humour.


jeudi 8 mars 2012

Possessions de Eric Guirado


Sur un sujet d'actualité et  à partir d'un fait divers, l'affaire Flactif, Eric Guirado continue dans son troisième film d'explorer la place des sans-grades dans la société française d'aujourd'hui.
Pour nous parler de cette guerre entre pauvres et riches, nous suivons une brochette de comédiens (Julie Depardieu et Jérémie Rénier en prolos et, dans des rôles plus secondaires, Alexandra Lamy et Lucien Jean-Baptiste en nouveaux riches). Le film déroule gentiment son histoire, à la manière d'un bon téléfilm.
"Possessions", histoire de jalousie, opposant riches et pauvres et se terminant tragiquement pour les plus aisés, aurait pu être un film subtil sur une société à deux vitesses qui méprise les plus faibles.
Mais que voit-on à l'écran? Toute une série de clichés qui alourdissent considérablement le propos. Les pauvres sont moches, boivent de la bière, n'ont aucune culture et sont mal élevés. Ils ont des voitures qu'ils "tunisent" à mort(je ne sais pas si cela se dit quand on pratique le tuning sur sa caisse), ils ont des enfants qui perturbent les classes et arrondissent leurs fins de mois en revendant des GPS tombés du camion. 
En opposition, bien sûr, les riches sont souriants, boivent du champagne à gogo, tirent des feux d'artifice et roulent en 4x4 haut de gamme. S'ils sont sympas, c'est que ce sont des arnaqueurs qui ont des choses louches à cacher, l'argent étale camoufle bien sûr des agissements plus opaques.
Chez moi, cela a produit l'effet inverse voulu par le réalisateur (enfin je l'espère), j'en suis arrivé presque à plaindre les riches.... Julie Depardieu a beau froncer les sourcils pour dire combien elle est jalouse et qu'elle ne les aime pas ces salauds pétés de thunes, on n'y croit pas beaucoup. Alors que le film est sur le mode très lent, la jalousie m'a semblé monter trop rapidement pour être crédible.
Même si la tension est d'un autre ordre sur la fin du film avec la prise de conscience de ces pauvres héros, le spectateur est quand même dans l'attente du générique pour pouvoir rentrer chez lui.
Il faut noter cependant la performance de Jérémie Rénier, dont la voix, la gestuelle et le physique en font un beauf de cinéma parfait. Il faudra qu'il nous raconte comment il a fait pour perdre sa bedaine et être ensuite, sans une once de graisse, la parfaite reproduction d'un Cloclo filiforme dans le film du même nom.
En tout les cas, il a surement utilisé des méthodes que seules les stars de cinéma ont les moyens de se payer, très loin de la misère et de la lutte des classes que le film, pas très inspiré, voudrait nous présenter.

mercredi 7 mars 2012

Le défaut du ciel de Philippe Renonçay


Avec sa couverture un rien rétro, très fifties, je n'avais pas vraiment envie d'ouvrir "Le défaut du ciel".  L'expression sur la quatrième de couverture "oeuvre labyrinthe", ne me disait rien qui vaille, terme générique utilisé souvent pour camoufler un récit vraisemblablement exigeant mais surtout un peu obscur.

Le récit démarre bien. Une famille bourgeoise, sans nouvelle de leur fils depuis qu'il s'est mis en tête d'enquêter sur la véritable identité d'un voisin sauvagement assassiné, demande à Clovis de partir à sa recherche. Avec un démarrage un peu polar, une écriture intéressante, me voilà accroché. Mais très vite, le récit bifurque vers des vétérans d'Indochine, qui ont connu le défunt et participé à un massacre dans un village perdu au milieu de la jungle. Pourquoi pas ? Je continue ma lecture, moins emballé, mais quand titillé pour connaître la suite. Voyage au Viet-Nam, rencontre avec une jeune femme, rencontre avec des anciens militaires, l'histoire commence à patiner un peu, mais je m'accroche. Puis il est question d'une nouvelle de Borges. Elle semble avoir de l'importance, mais comme je ne la connais pas, l'intérêt s'émousse encore un peu. Ah, il ne reste que quarante pages à lire... alors, je vais jusqu'au bout.
J'ai fini le livre, un peu surpris par la fin, à mon avis tirée par les cheveux.
Je ne pense pas que ce soit labyrinthique, seulement pas vraiment passionnant. Je me suis un peu ennuyé. Le seul côté positif de ce livre c'est de nous parler de cette guerre d'Indochine, largement occultée de notre mémoire. Autour de ce sujet et avec cette intrigue, il me semble que l'on pouvait à la fois mêler la grande histoire et un récit disons énigmatique, de manière plus passionnante. Là, je sens bien que l'auteur avait d'autres visées qui ne me sont pas apparues. Dommage.

lundi 5 mars 2012

Et puis, Paulette,... de Barbara Constantine


Jusqu'à présent, les éditeurs ne semblaient s'intéresser au nombreux lectorat que représentent les seniors qu'en leur proposant des romans vaguement historiques, décrivant la belle vie d'avant, dans des histoires remplies d'héroïnes au destin malheureux mais courageux. Littérature de bons sentiments, souvent reléguée dans les librairies dans le rayon "terroir", elle ne brillait pas par son originalité. 
J'ai l'impression que le regard des maisons d'édition a changé depuis quelques mois. La population retraitée est de plus en plus nombreuse, encore un peu argentée et recèle un vivier important de lecteurs potentiels, peut être plus modernes qu'avant. Il est fini le temps des compilations de Tino Rossi ou des oeuvres complètes de Pierre Benoit offertes en cadeau d'abonnement à une revue pour une retraite heureuse. Le troisième âge aujourd'hui voyage, surfe sur internet, voire refait sa vie. On a vu apparaître pas mal d'ouvrages sur ce nouvel âge des tempes argentées. "Et puis, Paulette..."  de Barbara Constantine en fait partie.
L'histoire est jolie et simple. Ferdinand est retraité, veuf, habite seul dans une très grande ferme depuis que son deuxième fils et sa famille sont partis vivre dans le village. Un jour, après un violent orage, il recueille sa voisine retraitée elle aussi car sa maison est devenue inhabitable. La cohabitation s'avérant plus facile que prévu, ils décident alors de proposer à d'autres anciens de partager cette grande maison, créant ainsi une sorte de communauté pour mieux résister à la solitude. Puis leur viendra l'idée de proposer gîte et couvert à des jeunes étudiants en échange de quelques menus services. 
C'est avant tout une histoire de solidarité que nous propose ce livre, une alternative plus joyeuse que la maison de retraite, un "vieux de tout le pays, unissez-vous !". Le lecteur suit les avancées pleines d'entrain de cette bande de sympathiques anciens. Et puis, il y aura Paulette...
J'ai vu un peu partout sur les blogs, que ce livre avait séduit déjà plein de lecteurs (surtout des lectrices) et dans leurs commentaires revient très souvent le mot friandise. Oui, c'est une friandise mais à mon goût beaucoup trop sucrée. Tout généreux qu'ils soient, les personnages de ce roman sont un rien caricaturaux. Il y a le bricoleur, le bougon, la musicienne écolo, la vieille fille dominatrice. Ils sont tolérants comme ce n'est pas possible, vivant cette communauté comme des boy-scouts de la collection "signes de piste". Tout roule comme dans un roman pour adolescents des années 60, les bons sentiments et l'esprit "Mac Gyver" compris. C'est plaisant mais un peu trop gentillet pour moi. On est très loin du roman graphique "Les petits ruisseaux" de Pascal Rabaté qui, lui, avait un regard vrai sur la vieillesse, n'occultant aucune vicissitude de cet âge et proposant une vision bien plus humaine et tout aussi généreuse.
Je suis sûr que cela plaira aux lecteurs de "Notre temps", mais pour moi trop de bons sentiments tue l'émotion. Reste quand même un livre au charme suranné qui permettra à beaucoup d'anciens de retrouver les joies d'une lecture douce et euphorisante comme l'étaient les bons livres de la Bibliothèque Rose de leur enfance.



samedi 3 mars 2012

Un léger déplacement de Marie Sizun


"Souvenirs, souvenirs" pourrait être la bande son de ce roman, mais les tonalités rocks de la chanson ne correspondront pas du tout à l'atmosphère intimiste de ce retour à Paris d'Hélène après trente cinq ans d'absence.
Revoir cet appartement vieillot dans lequel elle a passé une partie de son enfance et toute son adolescence, bouleverse cette maintenant new-yorkaise de soixante ans. Le passé lui revient par bribes au fur et à mesure de ses déambulations, révélant des aspects inattendus que sa jeunesse n'avait pas su voir.
L'élégante américaine qu'elle est maintenant se souvient de la jeune fille au physique ingrat qui a vécu entre un père peu communiquant,  une belle-mère disgracieuse et le fils détesté de cette dernière. Elle se remémore aussi cet amour platonique mais intense avec Ivan dont la fin brutale l'a propulsée dans une clinique pour dépressifs. Et puis, il y a en filigrane, ce léger déplacement du titre, sensation d'abandon éprouvée une première fois dans l'avion la conduisant en France et qui ne la quittera pas du livre.
Marie Sizun, avec son écriture simple et précise, procède comme un peintre pointilliste. Elle pose ses couleurs et peu à peu cela forme un tout, toujours un petit peu plus complexe, avec sensibilité et pudeur. Et de deux choses l'une, soit le lecteur rentre dans cet entrelacs d'émotions simples et personnelles soit, il décroche par manque d'action véritable et de rebondissements. 
Personnellement, j'ai très vite penché pour la première catégorie. J'ai aimé accompagner cette femme sympathique dans son chemin du souvenir, même si je n'ai pas été du tout surpris par l'intrigue. Je me suis glissé dans cette histoire simple mais pas simpliste comme dans un vieux pull confortable, moment de douceur et de partage dans un monde de vitesse et d'outrances. " Un léger déplacement" est le roman parfait pour les adeptes de la "slow life", ce nouveau concept pour une vie plus cool.

vendredi 2 mars 2012

Le baiser blanc d'Emile Brami


Ce texte relativement court a été écrit pour être adapté au théâtre. Il se présente comme deux monologues. Le premier est dit par une femme, Eurydice, le second par un homme, Gaston.
Placé sous le patronage d'Orphée et Eurydice, ce petit roman nous parle d'amour, mais d'amour vache.
Eurydice, dont on apprendra qu'elle s'appelle plus simplement Nathalie, est une nana très libérée, s'offrant à qui en a envie mais surtout pas à Gaston, amoureux transit qui la suit comme un chien. Elle passe son temps à l'humilier, le transformant en spectateur muet de ses dragues sans lendemain. Il faut dire que Gaston n'a visiblement rien pour attirer le coeur et le cul de cette pouffe. Il est gros, sans aucun charisme, n'a même pas de fric. Il possède seulement un amour absolu, uniquement réservé à cette créature qui se joue de lui. Il supportera toutes les brimades, les vexations, allant jusqu'à mettre sa vie en danger pour lui offrir des objets hors de prix mais sans jamais obtenir le moindre regard, la moindre caresse. Eurydice, tombée sous la coupe d'un italien qui la mettra sur le trottoir, gavée d'héroïne, mourra du sida dans l'anonymat le plus total. 
Comme ressortie des enfers, Eurydice, dans le premier monologue fait une sorte de méa-culpa, s'apercevant que Gaston avec son amour si pur, a été la seule personne qui l'ait vraiment aimée et que, finalement, cet amour était peut être partagé. 
Dans le deuxième monologue, nous entendons la version de Gaston, donnant à cette relation un jour différent et plus sensible.
Ecrite sans fioriture, vite lue, cette histoire entre une paumée et un niaiseux, peut toucher un coeur sensible, épris d'amours impossibles (les plus belles) mais mériterait, à mon goût, un développement plus approfondi des personnages, qui restent ici les simples narrateurs d'une passion inexplicable.


jeudi 1 mars 2012

Martha Marcy May Marlene de Sean Durkin


Même si le titre n'est pas vraiment facile à retenir, mémorisez-le au moins pour votre prochaine séance de ciné car "Martha, Marcy, May, Marlène" est vraiment un film à voir.
La première bonne raison de passer 1h45 devant un écran est la présence de la jeune comédienne Elizabeth Olsen (oui, il s'agit bien de la soeur cadette des insupportables jumelles Olsen, les reines du tapis rouge de troisième zone et des régimes). Elle est tout simplement incroyablement photogénique et surtout étonnante de justesse dans le rôle ingrat d'une jeune femme ayant perdu tout sens de la réalité.
Martha (mais aussi Marcy May et même Marlène) s'échappe d'une sorte de ferme un peu étrange et va se réfugier chez sa soeur, parfaite bobo mariée à un cadre stressé. Grâce à des flash-backs parfaitement dosés, nous apprendrons petit à petit  que la jolie ferme genre "Maison dans la prairie" renferme une secte aux pratiques évidemment douteuses (viol des nouvelles arrivantes par le gourou pour éliminer les toxines du monde extérieur, cambriolages des maisons environnantes,...). Lentement, malgré un environnement sympathique (belle maison moderne au bord d'un lac), Martha s'enfonce dans une paranoia de plus en plus sourde. Sa soeur rame à la ramener à la réalité, pas vraiment aidée par son yuppie de mari, plus intéressé par son nombril que par le sort de sa belle soeur.
Malgré un rythme lent, ce qui est rare pour un film Etatsunien, Sean Durkin, le réalisateur mais également l'auteur du scénario, fait monter la tension, dévoilant au compte goutte la décérébration de l'héroïne, enveloppant le spectateur dans un climat de plus en plus inquiétant qui le mènera vers une fin que je qualifierai de surprenante. Là où le film n'aurait pu être qu'une très intelligente mise en image du travail d'une secte sur des cerveaux fragiles, insidieusement, il met en miroir la vie, peut être tout aussi artificielle et sectaire du couple de petits bourgeois, confit dans ses tics et ses prérogatives de classe.
Ce premier film qui devrait séduire les spectateurs qui aiment quand une caméra prend son temps (vous l'aurez compris, il ne s'agit pas d'un thriller excité ), nous permet de découvrir un  réalisateur dont on espère que les prochaines productions seront du même acabit. Il est très rassurant de voir qu'une nouvelle génération de metteurs en scènes hollywoodiens exigeants pointe le bout de son nez ( Nichols, Mac Queen, Winding Refn, ...), sachant aussi bien maitriser scénario de qualité, mise en scène sophistiquée et remplissage de cerveaux disponibles avec des produits non standardisés.